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Guy de Maupassant

GUY DE MAUPASSANT

"El ciego - L'aveugle"

Biografía de Guy de Maupassant en Wikipedia 
GUY DE MAUPASSANT
 
EL CIEGO Libro y Audiolibro en EspañolAUDIO 
L'AVEUGLE Livre en Français (Texte) 
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EL CIEGO
L'AVEUGLE
¿Qué será esta alegría del primer sol? ¿Por qué esta luz caída sobre la tierra nos llena así de la dulzura de vivir? El cielo está todo azul, la campiña toda verde, las casas todas blancas; y nuestros ojos embelesados beben esos colores vivos a los que convierten en júbilo para nuestras almas. Y nos entran ganas de bailar, ganas de correr, ganas de cantar, una dichosa ligereza del pensamiento, una especie de ternura por todo; quisiéramos abrazar al so Qu’est-ce donc que cette joie du premier soleil ? Pourquoi cette lumière tombée sur la terre nous emplit-elle ainsi du bonheur de vivre ? Le ciel est tout bleu, la campagne toute verte, les maisons toutes blanches ; et nos yeux ravis boivent ces couleurs vives dont ils font de l’allégresse pour nos âmes. Et il nous vient des envies de danser, des envies de courir, des envies de chanter, une légèreté heureuse de la pensée, une sorte de tendresse élargie, on voudrait embrasser le soleil
Los ciegos de las puertas, impasibles en su eterna oscuridad, permanecen tan tranquilos como siempre en medio de esta nueva alegría y, sin comprender, apaciguan a cada minuto a su perro que quisiera brincar.   Les aveugles sous les portes, impassibles en leur éternelle obscurité, restent calmes comme toujours au milieu de cette gaieté nouvelle, et, sans comprendre, ils apaisent à toute minute leur chien qui voudrait gambader.
Cuando regresan, terminado el día, del brazo de un hermano más pequeño o de una hermanita, si el niño dice: «¡Ha hecho muy bueno hoy!», el otro responde:    «Ya me he dado cuenta de que hacía bueno, Loulou era incapaz de quedarse en su sitio».   Quand ils rentrent, le jour fini, au bras d’un jeune frère ou d’une petite sœur, si l’enfant dit : « Il a fait bien beau tantôt ! », l’autre répond : « Je m’en suis bien aperçu, qu’il faisait beau, Loulou ne tenait pas en place. »
He conocido a uno de esos hombres, cuya vida fue uno de los más crueles martirios que imaginarse pueda.   J’ai connu un de ces hommes dont la vie fut un des plus cruels martyres qu’on puisse rêver
  Era un campesino, el hijo de un granjero normando. Mientras vivieron su padre y su madre, cuidaron más o menos de él; apenas sufrió por su horrible invalidez; pero en cuanto los viejos desaparecieron, se inició una atroz existencia. Recogido por una hermana, todos en la granja lo trataban como a un mendigo que come el pan de los otros. En cada comida, le echaban en cara su alimento; le llamaban holgazán, patán; y aunque su cuñado se había apoderado de su parte de la herencia, le daban a regañadientes la sopa, lo justo para que no muriera.   C’était un paysan, le fils d’un fermier normand. Tant que le père et la mère vécurent, on eut à peu près soin de lui ; il ne souffrit guère que de son horrible infirmité ; mais dès que les vieux furent partis, l’existence atroce commença. Recueilli par une sœur, tout le monde dans la ferme le traitait comme un gueux qui mange le pain des autres. À chaque repas, on lui reprochait la nourriture ; on l’appelait fainéant, manant ; et bien que son beau-frère se fût emparé de sa part d’héritage, on lui donnait à regret la soupe, juste assez pour qu’il ne mourût point.
Tenía un rostro muy pálido, y dos grandes ojos blancos como obleas; y permanecía impasible ante los insultos, tan encerrado en sí mismo que se ignoraba si los oía. Por lo demás, nunca había conocido la menor ternura, ya que su madre lo había maltratado siempre, pues no lo amaba; en el campo los inútiles son un estorbo, y los campesinos harían de buen grado lo que las gallinas, que matan a las inválidas.   Il avait une figure toute pâle, et deux grands yeux blancs comme des pains à cacheter ; et il demeurait impassible sous l’injure, tellement enfermé en lui-même qu’on ignorait s’il la sentait. Jamais d’ailleurs il n’avait connu aucune tendresse, sa mère l’ayant toujours un peu rudoyé, ne l’aimant guère ; car aux champs les inutiles sont des nuisibles, et les paysans feraient volontiers comme les poules qui tuent les infirmes d’entre elles.
En cuanto había engullido la sopa, iba a sentarse ante la puerta en verano, pegado a la chimenea en invierno, y no volvía a moverse hasta la noche. No hacía un gesto, un movimiento; sólo sus párpados, que agitaba una especie de dolencia nerviosa, caían a veces sobre la mancha blanca de sus ojos. ¿Tenía un alma, un pensamiento, una conciencia clara de su vida? Nadie se lo preguntaba.   Sitôt la soupe avalée, il allait s’asseoir devant la porte en été, contre la cheminée en hiver, et il ne remuait plus jusqu’au soir. Il ne faisait pas un geste, pas un mouvement ; seules ses paupières, qu’agitait une sorte de souffrance nerveuse, retombaient parfois sur la tache blanche de ses yeux. Avait-il un esprit, une pensée, une conscience nette de sa vie ? Personne ne se le demandait.
Durante unos años, las cosas marcharon así. Pero su impotencia para hacer nada, así como su impasibilidad, acabaron exasperando a sus parientes, y se convirtió en el hazmerreír de todos, en una especie de bufón-mártir, de pieza entregada a la ferocidad natural, a la alegría salvaje de los brutos que lo rodeaban.   Pendant quelques années les choses allèrent ainsi. Mais son impuissance à rien faire autant que son impassibilité finirent par exaspérer ses parents, et il devint un souffre-douleur, une sorte de bouffon-martyr, de proie donnée à la férocité native, à la gaieté sauvage des brutes qui l’entouraient.
Se idearon todas las crueles bromas que su ceguera podía inspirar. Y, para cobrarse lo que comía, se convirtieron sus comidas en horas de esparcimiento para los vecinos y de suplicio para el impotente.   On imagina toutes les farces cruelles que sa cécité put inspirer. Et, pour se payer de ce qu’il mangeait, on fit de ses repas des heures de plaisir pour les voisins et de supplice pour l’impotent.
  Los campesinos de las casas cercanas acudían a tal diversión; se lo comunicaban de puerta en puerta, y la cocina de la granja se encontraba llena cada día. A veces colocaban sobre la mesa, ante su plato, donde él empezaba a tomar el caldo, un gato o un perro. El animal olfateaba por instinto la invalidez del hombre y, muy suavemente, se acercaba, comía sin ruido, lamiendo con delicadeza; y cuando un chapoteo de la lengua un poco más ruidoso despertaba la atención del pobre diablo, se alejaba prudentemente para eludir el golpe de la cuchara que él lanzaba al azar ante si.   Les paysans des maisons prochaines s’en venaient à ce divertissement ; on se le disait de porte en porte, et la cuisine de la ferme se trouvait pleine chaque jour. Tantôt on posait sur la table, devant son assiette où il commençait à puiser le bouillon, quelque chat ou quelque chien. La bête avec son instinct flairait l’infirmité de l’homme et, tout doucement, s’approchait, mangeait sans bruit, lapant avec délicatesse ; et quand un clapotis de langue un peu bruyant avait éveillé l’attention du pauvre diable, elle s’écartait prudemment pour éviter le coup de cuiller qu’il envoyait au hasard devant lui.
Entonces se producían risas, empujones, pataleos de los espectadores apretujados a lo largo de las paredes. Y él, sin decir jamás una palabra, volvía a ponerse a comer con la mano derecha, mientras que, con la izquierda adelantada, protegía y defendía su plato.   Alors c’étaient des rires, des poussées, des trépignements des spectateurs tassés le long des murs. Et lui, sans jamais dire un mot, se remettait à manger de la main droite, tandis que, de la gauche avancée, il protégeait et défendait son assiette.
Otras veces le hacían mascar corchos, maderas, hojas e incluso desperdicios, que no podía distinguir   Tantôt on lui faisait mâcher des bouchons, du bois, des feuilles ou même des ordures, qu’il ne pouvait distinguer.
Después se cansaron incluso de estas chanzas; y el cuñado, siempre furioso por tener que alimentarlo, le pegó, lo abofeteó sin cesar, riéndose de los inútiles esfuerzos del otro para parar los golpes o devolverlos. Hubo entonces un juego nuevo: el juego de las bofetadas. Y los mozos de labranza, el criado, las sirvientas, le ponían a cada momento la mano en la cara, lo cual imprimía a sus párpados un movimiento precipitado. No sabía dónde esconderse y permanecía sin cesar con los brazos extendidos para evitar que se le acercaran.   Puis, on se lassa même des plaisanteries ; et le beau-frère enrageant de le toujours nourrir, le frappa, le gifla sans cesse, riant des efforts inutiles de l’autre pour parer les coups ou les rendre. Ce fut alors un jeu nouveau : le jeu des claques. Et les valets de charrue, le goujat, les servantes, lui lançaient à tout moment leur main par la figure, ce qui imprimait à ses paupières un mouvement précipité. Il ne savait où se cacher et demeurait sans cesse les bras étendus pour éviter les approches.
Por último, lo obligaron a mendigar. Lo apostaban en las carreteras los días de mercado, y, en cuanto oía un ruido de pasos o el rodar de un carruaje, alargaba su sombrero balbuciendo: «Una caridad, por favor».   Enfin, on le contraignit à mendier. On le portait sur les routes les jours de marché, et dès qu’il entendait un bruit de pas ou le roulement d’une voiture, il tendait son chapeau en balbutiant : « La charité, s’il vous plaît. »
Pero el campesino no es pródigo, y, durante semanas enteras, no consiguió una perra chica.   Mais le paysan n’est pas prodigue, et, pendant des semaines entières, il ne rapportait pas un sou.
Hubo entonces un odio desenfrenado, despiadado, contra él. Y he aquí cómo murió.   Ce fut alors contre lui une haine déchaînée, impitoyable. Et voici comme il mourut.
Un invierno, la tierra estaba cubierta de nieve, y helaba horriblemente. Ahora bien, su cuñado, una mañana, lo llevó muy lejos, a una carretera principal para que pidiera limosna. Lo dejó allí todo el día y, cuando llegó la noche, afirmó ante su gente que no lo había encontrado. Después agregó: «¡Bah! No hay que preocuparse, alguien se lo habrá llevado porque tenía frío. No se habrá perdido, ¡pardiez! Volverá mañana a comer su sopa».   Un hiver, la terre était couverte de neige, et il gelait horriblement. Or, son beau-frère, un matin, le conduisit fort loin sur une grande route pour lui faire demander l’aumône. Il l’y laissa tout le jour, et quand la nuit fut venue, il affirma devant ses gens qu’il ne l’avait plus retrouvé. Puis il ajouta : « Bast ! faut pas s’en occuper, quelqu’un l’aura emmené parce qu’il avait froid. Pardié ! i n’est pas perdu. I reviendra ben d’main manger la soupe. »
Al día siguiente, no regresó.   Le lendemain, il ne revint pas.
Tras largas horas de espera, asaltado por el frío, sintiéndose morir, el ciego había echado a andar. No pudiendo reconocer el camino sepultado bajo aquella espuma blanca, había errado al azar, cayendo en las cunetas, levantándose, siempre mudo, buscando una casa.   Après de longues heures d’attente, saisi par le froid, se sentant mourir, l’aveugle s’était mis à marcher. Ne pouvant reconnaître la route ensevelie sous cette écume de glace, il avait erré au hasard, tombant dans les fossés, se relevant, toujours muet, cherchant une maison.
Pero el torpor de las nieves lo había invadido poco a poco y, como sus débiles piernas ya no podían sostenerlo, se había sentado en el centro de una llanura. No se levantó más.   Mais l’engourdissement des neiges l’avait peu à peu envahi, et ses jambes faibles ne le pouvant plus porter, il s’était assis au milieu d’une plaine. Il ne se releva point.
Los blancos copos que seguían cayendo lo sepultaron. Su cuerpo rígido desapareció bajo la incesante acumulación de su muchedumbre infinita; y nada indicaba ya el lugar donde el cadáver estaba tendido.   Les blancs flocons qui tombaient toujours l’ensevelirent. Son corps raidi disparut sous l’incessante accumulation de leur foule infinie ; et rien n’indiquait plus la place où le cadavre était couché.

Sus parientes fingieron averiguar y buscarlo durante ocho días. E incluso lloraron.

  Ses parents firent mine de s’enquérir et de le chercher pendant huit jours. Ils pleurèrent même.
El invierno era duro y el deshielo tardaba en llegar. Ahora bien, un domingo, al ir a misa, los granjeros observaron un gran revuelo de cuervos que giraban sin fin sobre la llanura, después se dejaban caer como una lluvia negra amontonados en el mismo lugar, volvían a alzarse y seguían regresando.   L’hiver était rude et le dégel n’arrivait pas vite. Or, un dimanche, en allant à la messe, les fermiers remarquèrent un grand vol de corbeaux qui tournoyaient sans fin au-dessus de la plaine, puis s’abattaient comme une pluie noire en tas à la même place, repartaient et revenaient toujours.
A la semana siguiente aún estaban allí, los sombríos pajarracos. En el cielo había una nube de ellos, como si se hubieran congregado de todos los rincones del horizonte; y descendían con grandes graznidos a la nieve resplandeciente, que manchaban de forma extraña, hurgando en ella con obstinación.   La semaine suivante, ils étaient encore là, les oiseaux sombres. Le ciel en portait un nuage comme s’ils se fussent réunis de tous les coins de l’horizon ; et ils se laissaient tomber avec de grands cris dans la neige éclatante, qu’ils tachaient étrangement et fouillaient avec obstination.
Un chaval fue a ver lo que hacían, y descubrió el cuerpo del viejo, semidevorado ya, desgarrado. Sus ojos pálidos habían desaparecido, picoteados por los largos picos voraces.   Un gars alla voir ce qu’ils faisaient, et découvrit le corps de l’aveugle, à moitié dévoré déjà, déchiqueté. Ses yeux pâles avaient disparu, piqués par les longs becs voraces.
Y jamás puedo sentir la viva alegría de los días de sol sin un recuerdo triste y un pensamiento melancólico hacia el pordiosero, tan desheredado en la vida que su horrible muerte fue un alivio para todos los que lo habían conocido.   Et je ne puis jamais ressentir la vive gaieté des jours de soleil, sans un souvenir triste et une pensée mélancolique vers le gueux, si déshérité dans la vie que son horrible mort fut un soulagement pour tous ceux qui l’avaient connu.
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